Loi 27.05.2008, n. 496



Portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

LOI N° 2008-496 DU 27 MAI 2008

portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine
de la lutte contre les discriminations
(1)


L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1
Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son
appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa
religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une
personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura
été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en
apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa,
un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que
cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but
légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à
connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter
atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou
offensant ;
2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.
Article 2
Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité :
1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la
non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de
protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services
ou de fourniture de biens et services ;
2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la
non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les
convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation
et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages
procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y
compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de
promotion professionnelle.
Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à
l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et
déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;
3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la
maternité, y compris du congé de maternité.
Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes
motifs ;
4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière
d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Ce principe ne fait pas obstacle :
- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et
services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de
sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont
nécessaires et appropriés ;
- au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions
prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances ;
- à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.
Article 3
Aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant
relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait.
Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son
refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2.
Article 4
Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente
devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de
ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est
justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le présent article ne s'applique pas devant les juridictions pénales.
Article 5
I. - Les articles 1er à 4 et 7 à 10 s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y
compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante.
II. - Ils s'entendent sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au
séjour des ressortissants des pays non membres de l'Union européenne et des apatrides.
Article 6
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 1132-1 et à la fin du premier alinéa de l'article L. 1134-1, après les mots
: « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n°
2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;
2° Les articles L. 1133-1, L. 1133-2 et L. 1133-3 deviennent respectivement les articles L.
1133-2, L. 1133-3 et L. 1133-4 ;
3° L'article L. 1133-1 est ainsi rétabli :
« Art.L. 1133-1.-L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement,
lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour
autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;
4° Le premier alinéa de l'article L. 1133-2, tel qu'il résulte du 2°, est ainsi rédigé :
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination
lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime,
notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur
insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en
cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et
appropriés. » ;
5° Le premier alinéa de l'article L. 1142-2 est ainsi rédigé :
« Lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe répond à une exigence professionnelle
essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence
proportionnée, les interdictions prévues à l'article L. 1142-1 ne sont pas applicables. » ;
6° L'article L. 1142-6 est ainsi rédigé :
« Art.L. 1142-6.-Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux
de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. » ;
7° L'article L. 2141-1 est ainsi rédigé :
« Art.L. 2141-1.-Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix
et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1. » ;
8° Dans le dernier alinéa de l'article L. 5213-6, la référence : « L. 1133-2 » est remplacée
par la référence : « L. 1133-3 ».
Article 7
Le 3° de l'article 225-3 du code pénal est remplacé par les 3° à 5° ainsi rédigés :
« 3° Aux discriminations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe, l'âge ou l'apparence
physique, lorsqu'un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et
déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;
« 4° Aux discriminations fondées, en matière d'accès aux biens et services, sur le sexe
lorsque cette discrimination est justifiée par la protection des victimes de violences à
caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la
promotion de l'égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes, la liberté
d'association ou l'organisation d'activités sportives ;
« 5° Aux refus d'embauche fondés sur la nationalité lorsqu'ils résultent de l'application des
dispositions statutaires relatives à la fonction publique. »
Article 8
I.-Après l'article L. 112-1 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi
rédigé :
« Art.L. 112-1-1.-I. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de
prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas un traitement moins
favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations.
« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la mutualité peut autoriser par
arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe
et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et
précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque
d'assurance.
« Les mutuelles et les unions exerçant une activité d'assurance ne sont pas soumises aux
dispositions de l'alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion
facultative relatives au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une
maladie, une maternité ou un accident.
« II. - Un arrêté du ministre chargé de la mutualité fixe les conditions dans lesquelles les
données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les
organismes professionnels mentionnés à l'article L. 223-10-1 et les conditions dans
lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées
dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d'entrée en vigueur de
l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.
« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des
risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et
régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la mutualité ou de tables
établies ou non par sexe par la mutuelle ou l'union et certifiées par un actuaire indépendant
de celle-ci, agréé à cet effet par l'une des associations d'actuaires reconnues par l'autorité de
contrôle instituée à l'article L. 510-1.
« III. - Le présent article s'applique aux contrats d'assurance autres que ceux conclus dans
les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
« IV. - Le présent article est applicable aux adhésions individuelles et aux adhésions à des
contrats d'assurance de groupe souscrites à compter de sa date d'entrée en vigueur. Par
dérogation, il s'applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant
un caractère temporaire, en cours à sa date d'entrée en vigueur. »
II.-Après l'article L. 931-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 931-3-2
ainsi rédigé :
« Art.L. 931-3-2.-I. - Aucune différence en matière de cotisations et de prestations ne peut
être fondée sur le sexe.
« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la
grossesse et à la maternité.
« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la sécurité sociale peut autoriser
par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du
sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques
pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation
du risque d'assurance.
« Les institutions de prévoyance et leurs unions ne sont pas soumises aux dispositions de
l'alinéa précédent pour les opérations individuelles relatives au remboursement ou à
l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
« II. - Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale fixe les conditions dans
lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées
par les organismes professionnels mentionnés à l'article L. 132-9-2 du code des assurances
et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement
mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date
d'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.
« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des
risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et
régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou de tables
établies ou non par sexe par l'institution de prévoyance ou l'union et certifiées par un
actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l'une des associations d'actuaires
reconnues par l'autorité de contrôle instituée à l'article L. 951-1.
« III. - Le présent article s'applique aux opérations individuelles souscrites à compter de sa
date d'entrée en vigueur. Par dérogation, il s'applique aux stocks de contrats de rentes
viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d'entrée en
vigueur. »
Article 9
Le titre II de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité
de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est abrogé.
Article 10
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles
Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises dans toutes les
matières que la loi organique ne réserve pas à la compétence de leurs institutions.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 27 mai 2008.
Nicolas Sarkozy
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
François Fillon
La ministre de l'intérieur,
de l'outre-mer et des collectivités territoriales,
Michèle Alliot-Marie
La ministre de l'économie,
de l'industrie et de l'emploi,
Christine Lagarde
Le ministre de l'immigration,
de l'intégration, de l'identité nationale
et du développement solidaire,
Brice Hortefeux
La garde des sceaux, ministre de la justice,
Rachida Dati
Le ministre du travail, des relations sociales,
de la famille et de la solidarité,
Xavier Bertrand
Le ministre de l'éducation nationale,
Xavier Darcos
La ministre de la santé,
de la jeunesse, des sports
et de la vie associative,
Roselyne Bachelot-Narquin
Le ministre du budget, des comptes publics
et de la fonction publique,
Eric Woerth
(1) Loi n° 2008-496.
- Directives communautaires :
Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe
de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;
Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général
en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002
modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de
l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la
formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;
Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de
l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et
la fourniture de biens et services ;
Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la
mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
- Travaux préparatoires :
Assemblée nationale :
Projet de loi n° 514 ;
Rapport de Mme Isabelle Vasseur, au nom de la commission des affaires culturelles, n° 695
;
Discussion et adoption, après déclaration d'urgence, le 25 mars 2008 (TA n° 115).
Sénat :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 241 (2007-2008) ;
Rapport de Mme Muguette Dini, au nom de la commission des affaires sociales, n° 253
(2007-2008) ;
Rapport d'information de Mme Christiane Hummel, au nom de la délégation aux droits des
femmes, n° 252 (2007-2008) ;
Discussion et adoption le 9 avril 2008 (TA n° 72).
Assemblée nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat, n° 811 ;
Rapport de Mme Isabelle Vasseur, au nom de la commission mixte paritaire, n° 882 ;
Discussion et adoption le 14 mai 2008 (TA n° 142).
Sénat :
Rapport de Mme Muguette Dini, au nom de la commission mixte paritaire, n° 324
(2007-2008) ;
Discussion et adoption le 15 mai 2008 (TA n° 92).